Publié le 12/02/2019
Dans la nature, un écosystème est un environnement dans lequel vivent et interagissent différents types d’organismes vivants. C’est le cas d’une mare, par exemple, où cohabitent différentes variétés de plantes et d’espèces animales – les uns étant dépendant des autres pour survivre. On retrouve le même genre d’interactions, renforcées par le développement du numérique, au sein d’un environnement business. Explications.
C’est à l’économiste américain James F. Moore que l’on doit cette métaphore écologique. En l’appliquant à l’environnement du business dès le milieu des années 90, il définit l’écosystème d’entreprise comme une « une communauté économique supportée par l’interaction entre des entreprises et des individus, [qui peuvent aussi inclure] les fournisseurs, les producteurs, les concurrents, et d’autres parties prenantes »1. Autrement dit, un écosystème d’entreprises est un réseau d’acteurs n’ayant pas forcément le même profil. En revanche, ils partagent un même marché et ont potentiellement des intérêts communs. Dès lors qu’ils associent leurs forces (sur le plan financier, humain, créatif, matériel, technologique, etc.), ils sont en capacité d’inventer de nouveaux produits ou services, qu’ils n’auraient pas pu développer seuls. Et peuvent ainsi apporter davantage de valeur aux clients finaux.
Au départ, cette approche stratégique du business a surtout été adoptée par des entreprises issues du secteur des technologies. Dans l’environnement de la téléphonie mobile, par exemple, opérateurs téléphoniques, fabricants de smartphones, systèmes d’exploitation mobile et entreprises de services digitaux ont collaboré pour co-développer des plateformes capables d’accueillir une offre très large d’applications mobiles. Résultat : cette innovation a bouleversé nos usages et apporté une forte valeur ajoutée à nos téléphones portables.
Cette vision ouverte de l’entreprise en réseau dépasse aujourd’hui largement le spectre du seul marché high-tech. Sur le terrain de l’immobilier, par exemple, des promoteurs se sont associés à des entreprises tierces pour renforcer leur offre de services. Certains ont co-développé des logiciels de projection 3D des futurs logements, d’autres ont noué des partenariats avec des PME pour aider leurs clients à simuler le niveau d’ensoleillement d’un appartement ou permettre aux copropriétaires d’échanger sur une plateforme en ligne.
Le développement d’un écosystème d’entreprises suppose d’abord de renverser l’approche traditionnelle du business. Rien ne doit être figé : vos futurs partenaires se trouvent peut-être parmi vos concurrents actuels. Adopter une posture de « coopétition »2 est donc une condition préalable à toute forme de collaboration avec l’écosystème. La concurrence subsistera certainement sur une partie de votre offre commerciale, mais elle s’organisera différemment, autour de projets menés ou financés en commun.
Développer son écosystème suppose aussi de faire un pas de côté : vos partenaires potentiels sont peut-être très différents de vous, en termes de taille, d’activité ou même de culture. Par exemple, les start-up bénéficient bien souvent d’une structure suffisamment flexible et légère, leur permettant de s’engager sur des chemins de ruptures. Elles auront beaucoup moins à perdre que votre entreprise et beaucoup à vous apporter en cas de réussite et de collaboration. Inversement, si votre PME familiale a développé un savoir-faire très spécifique depuis plusieurs décennies, dans le secteur du textile par exemple, cette expertise intéressera peut-être une jeune pousse qui cherche à monter une offre de vêtements connectés. Dans certains cas, de telles collaborations pourront prendre la forme d’une entrée au capital… ou d’un simple échange de bons procédés.
Les entreprises qui composent un écosystème ne sont pas forcément proches physiquement. Reste que les groupements locaux d’entreprises, comme les pépinières ou les incubateurs, favorisent, de facto, les projets collaboratifs. En revanche, les écosystèmes les plus dynamiques se forment généralement à l’initiative de grands groupes capables de fédérer un réseau de PME autour d’une vision commune ou d’une plateforme technologique. Tous les géants du web proposent par exemple aux développeurs de « se brancher » à leur technologie pour développer de nouveaux services. Pour trouver des partenaires, ne vous limitez pas à vos réseaux locaux : faites aussi une veille des initiatives portées par les multinationales qui évoluent de près ou de loin sur votre marché.
Pourquoi auriez-vous intérêt à vous associer à d’autres entreprises pour vous développer ? C’est d’abord une question d’argent : en partageant les investissements avec des partenaires, soit vous réduisez vos coûts, soit vous multipliez votre force de frappe, pour lancer un nouveau produit ou attaquer un nouveau marché. C’est aussi un moyen de vous concentrer sur votre cœur de métier, sans déployer des stratégies de diversification aventureuses sur le plan technique et financier. Mais collaborer avec d’autres entreprises est surtout le meilleur moyen d’innover et de se renouveler, avec un maximum de flexibilité et de réactivité.
En somme, tisser des liens au sein d’un écosystème d’entreprises vous permet d’aller plus vite, plus loin, pour moins cher. Dans ce contexte, l’équation 1 + 1 = 3 prend tout son sens !
1 Moore, James F., The Death of Competition: Leadership and Strategy in the Age of Business Ecosystems, Harper Paperbacks, 1997
2 Néologisme issu de la contraction des termes « coopération » et « compétition »