Publié le 10/12/2018
Techniquement, le prêt de main-d’œuvre est loin d’être un concept nouveau. Il s’exerce depuis fort longtemps dans le cadre du portage salarial, par exemple.
Le Code du travail indique que « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite ». Pour mieux sécuriser cette pratique - et éviter le marchandage et le prêt de main-d’œuvre illicite - la loi dite « Cherpion » de 2011 est venue préciser la définition du caractère « non-lucratif » d’une telle opération. C’est principalement sur ce socle juridique que se fondent aujourd’hui les dispositifs de prêt de salariés.
« Non lucratif », ça veut dire quoi ?
« L'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition ». Autrement dit, l’entreprise qui prête son salarié n’a pas le droit de « marger » sur le prêt, en facturant à l’entreprise bénéficiaire plus que ce que son salarié ne lui coûte.
Les fameuses ordonnances Macron de 2017 sont venues assouplir cette règle, notamment pour permettre à des PME et des start-ups de bénéficier de l’expérience de professionnels chevronnés issus de grandes entreprises, dont elles n’auraient pas eu les moyens de s’offrir les services, même ponctuellement, dans le cadre strict de la loi Cherpion. Désormais, le prêt de main-d’œuvre peut dans certains cas être considéré comme « non lucratif », même si la facture de l’entreprise prêteuse est inférieure à la somme des salaires, charges et frais professionnels liés au salarié prêté.
Qu’il s’agisse d’une formule classique ou de la formule assouplie suite aux ordonnances Macron, le prêt de salariés reste soumis à conditions.
Dans tous les cas, le salarié doit donner son accord
Le dispositif est basé sur le principe du volontariat du salarié. Autrement dit, l’entreprise prêteuse ne doit en aucun cas sanctionner son salarié s’il refuse une mobilité dans le cadre d’un prêt de salarié. Les instances représentatives du personnel doivent être informées au préalable et les deux entreprises sont tenues de signer une convention de mise à disposition.
À noter que le prêt de salarié dit « classique » doit faire l’objet d’un avenant au contrat de travail.
4 conditions pour bénéficier de la refacturation moindre
Pour prétendre au dispositif de prêt de salarié « bis », rendu possible par les ordonnances Macron, plusieurs critères entrent en ligne de compte :
Certaines entreprises ont besoin de compétences ponctuelles, pour lesquelles elles n’arrivent pas à recruter en CDD ou en freelance, faute de main-d’œuvre disponible. C’est le cas par exemple dans le domaine des technologies informatiques, où le marché de l’emploi est particulièrement tendu. Autre cas de figure : une jeune entreprise peut vouloir bénéficier de l’expertise et du carnet d’adresses d’un responsable commercial expérimenté pour structurer et lancer son offre – et ainsi mettre toutes les chances de son côté tout en rassurant ses investisseurs.
À l’inverse, un développeur en poste en CDI dans une grande entreprise a parfois envie de rompre avec la routine professionnelle, d’être challengé sur d’autres projets ponctuels, sans pour autant risquer de perdre en salaire ou en stabilité. Pour l’entreprise prêteuse, le prêt de salariés est à la fois un levier de rétention vis-à-vis de son collaborateur (dont les compétences sont généralement convoitées par les cabinets de chasse) – et aussi l’occasion de le faire monter en compétences, en le confrontant à un nouvel environnement de travail.
Pour les entreprises qui connaissent des difficultés économiques temporaires, un trou dans le carnet de commandes par exemple, le prêt temporaire de salarié est une alternative intéressante au licenciement économique.
Les avantages du prêt de salarié ne sont pas à sens unique. Le protagoniste du prêt lui aussi en tire plusieurs bénéfices. Le plus évident : les prêts sont une solution alternative aux restructurations d’entreprises, synonyme parfois de licenciement économique. Mais c’est également un enrichissement professionnel : son parcours est dynamisé et enrichi d’une nouvelle expérience et d’un nouveau réseau. Le salarié satisfait des aspirations jusque là peut-être inassouvies, il développe des compétences supplémentaires et ouvre de nouvelles perspectives.
Concrètement, comment se lancer ? De nombreuses plateformes se sont développées ces dernières années pour mettre en relation les entreprises qui souhaitent accueillir ou confier un salarié. Voici deux d’entre elles :
Créée en 2015, cette start-up fonctionne sur le modèle d’un site de rencontre. Les entreprises s’inscrivent pour proposer des profils de collaborateurs intéressés par une mobilité dans une autre entreprise.
La plateforme propose plusieurs formules de mobilités. Parmi elles, un programme « Vis ma vie de startupper », pour permettre à des cadres de grandes entreprises de découvrir l’envers du décor d’une start-up.
Si vous avez identifié une entreprise partenaire, rien ne vous empêche de mettre en place un prêt de salariés par vos propres moyens, sans vous appuyer sur un intermédiaire.
La mobilité inter-entreprises reste une pratique de niche, qui bouscule la vision traditionnelle du salariat. Elle a de beaux jours devant elle !
- Prêt de main d'œuvre entre entreprises, service-public.fr
- MobiliWork dynamise le prêt de salarié, business.lesechos.fr