De la mutuelle d’entreprise obligatoire aux contrats responsables : une impulsion donnée par le législateur
Depuis le 1er janvier 2016, toutes les entreprises employant au moins un salarié ont l’obligation de mettre à la disposition de l’ensemble de leur effectif une complémentaire santé collective et de prendre financièrement en charge au moins 50 % du coût d’un panier de soins plancher.
Presque deux ans après sa mise en œuvre, cette disposition de la loi sur la sécurisation de l’emploi n’a pas eu une grande incidence sur le taux de couverture de la population, puisque 95 % des salariés disposaient déjà d’une complémentaire, souscrite individuellement, dans le cadre d’un contrat famille ou en qualité d’ayant droit de leur conjoint.
La qualité de la protection des salariés n’a pas non plus massivement progressé. Le législateur a en effet conditionné l’exonération de charges – et d’impôt pour les bénéficiaires – au respect des critères des contrats responsables. Est considérée responsable, une complémentaire dont la prise en charge s’inscrit entre un socle minimal et des plafonds de remboursement fixés par décrets (notamment en optique, dentaire et pour les dépassements d’honoraires). En conséquence, même si plus de la moitié des employeurs a fait le choix de formules plus avantageuses que le minimum légal, de nombreux salariés ont souscrit une sur-couverture à leurs frais afin de maintenir leur niveau de prise en charge antérieur.
Vers un renversement de tendance historique ?
Il n’en demeure pas moins que cette double impulsion législative est venue renforcer une tendance observée depuis environ une décennie : les complémentaires collectives ne cessent de gagner du terrain sur les contrats individuels. Selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), ces contrats collectifs totalisaient 44 % des cotisations collectées en 2015, contre seulement 40 % en 2007.
Pour l’année 2016, la Fédération française de l’assurance évalue la progression du marché de la complémentaire santé à 1,6 %, pour un volume de cotisations total de 36,3 Mds€. Avec 16,9 Md€, les contrats collectifs enregistreraient une hausse de 5,5 %, qui les amènerait autour de 46,5 % des cotisations collectées. Si la baisse des contrats individuels (-1,6 %) reste contenue, elle laisse néanmoins présager dans les années à venir un renversement historique de tendance. D’autant que, lorsqu’on y ajoute les 20 Mds€ liés à la prévoyance, l’équilibre entre contrats collectifs et individuels est d’ores et déjà atteint.
Un marché dominé par une vingtaine d’acteurs de premier plan
La progression des contrats collectifs n’est pas sans conséquence sur le secteur de l’assurance santé. Trois familles d’organismes se partagent en France ce marché :
- les institutions de prévoyance (régies par le code de la Sécurité sociale),
- les sociétés d’assurances (régies par le code de l’Assurance),
- et les mutuelles (régies par le code de la Mutualité).
En quinze ans, à la faveur de regroupements successifs, le nombre d’opérateurs impliqués dans l’assurance santé a été divisé par trois, passant de 1 700 à 534. Les 20 plus grands organismes représentent la moitié des cotisations et les 100 plus importants en totalisent 90 %.
Historiquement, les institutions de prévoyance gèrent essentiellement des contrats collectifs, un tiers d’entre elles ne commercialise même que cela. À l’inverse, les mutuelles, dont la santé représente en moyenne 83 % de l’activité, privilégient plutôt les contrats individuels. La montée en puissance des contrats collectifs devrait, selon toute vraisemblance, continuer de fragiliser les petites mutuelles, au rayonnement local, et déboucher sur une concentration encore accrue du marché.