Publié le 27/11/2020
Comme le souligne l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), l'auteur d'une œuvre de l’esprit dispose d'un « droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Plus important encore, ce droit ne peut pas être remis en question par « l’existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une œuvre de l'esprit ». En d'autres termes, le créateur d'une œuvre – à l'image d'une ESN – bénéficie d'une protection totale du fait de sa création, et ce, malgré la conclusion d'un contrat de prestation de services.
Ce principe a une application concrète : à condition que le contenu soit original et matérialisé (site Internet, logiciel, logo, etc.), sa vente ne signifie pas que vous perdez les droits de propriété intellectuelle que vous avez acquis. En effet, seule la cession de vos droits ou la rédaction d'une autorisation par son titulaire permettra à vos clients d'utiliser votre création, et ce, dans un cadre bien défini (type d’usage, temporalité, géographie, etc.). En leur absence, la rémunération que vous avez reçue ne va couvrir que le travail d'exécution et le support du matériel livré. Votre client ne pourra donc pas exploiter, modifier ou diffuser la création sans votre autorisation.
Dans le cadre d’un contrat de prestation de services, a fortiori de nature numérique, la rédaction d'une clause de cession des droits de propriété intellectuelle est donc indispensable. Elle va à la fois vous permettre de vous protéger et d’encadrer l’usage de votre création. Pour cela, plusieurs aspects de la clause de cession demandent toute votre vigilance, tout particulièrement si elle est rédigée par votre client.
L'objet de la cession : pour que la clause soit valide, il est nécessaire qu'elle identifie clairement la prestation de services cédée (création d'un site Internet, d'un code, d’un MOOC, d’un slogan, etc.). Même si votre collaboration avec un client est pérenne, chaque prestation doit être cédée individuellement, dans la mesure où « la cession globale des œuvres futures est nulle » comme le stipule l’article L.131-1 du Code de la propriété intellectuelle. Pour cela, il est généralement préférable que la cession des droits n’intervienne qu’une fois l'œuvre préalablement créée, au moment du paiement ou de la livraison par exemple, afin de pouvoir parfaitement l'identifier.
La nature de la cession : selon la nature de la prestation de services, il est possible de conclure principalement deux types de contrat de cession. La cession de droit classique, tout d'abord, par laquelle vous cédez tout ou partie de vos droits de propriété intellectuelle à votre client. Vous conservez ainsi la paternité de votre œuvre originale, celle-ci ne pouvant pas être remise en question, mais vous cédez le plus souvent l'intégralité de vos droits liés à son exploitation ou à sa distribution par exemple. L’alternative consiste à opter pour la conclusion d’une licence, aussi appelée concession. À travers elle, vous autorisez l'exploitation de votre œuvre par votre client de manière limitée, que ce soit d'un point de vue temporel ou géographique notamment. À titre d'exemple, la licence est souvent employée par les marques afin de pouvoir utiliser une musique dans un spot publicitaire.
Les mentions obligatoires : dans le cas d’une cession comme d’une licence, la clause doit également être très explicite quant à l'étendue de la cession des droits de propriété intellectuelle. Pour chaque œuvre, elle doit tout particulièrement définir la nature des droits cédés. Il pourra notamment s’agir des droits de représentation, à savoir la communication de l'œuvre au public, des droits de reproduction, à savoir sa fixation matérielle afin de la communiquer de manière indirecte (impression d'un logo sur un flyer, etc.), ou encore des droits d'adaptation, à savoir la possibilité de modifier la création. Sachez toutefois que d'autres types de droits peuvent aussi être cédés (droits de suite, de distribution, d'usage, de prêt, etc.). Outre la nature des droits cédés, la clause de cession devra également mentionner la zone géographique de cession pour chaque droit, la durée ou encore le type de rémunération accordé au titulaire du droit de propriété intellectuelle.
L’application du droit de propriété intellectuelle pour une ESN est d’autant plus complexe que votre champ d’activité peut être relativement varié (conseil, conception, communication, maintenance, formation, etc.). Conséquence ? Vous êtes susceptible de créer de nombreux supports différents pouvant disposer du titre d’œuvre de l’esprit, tels que des sites Internet, des logiciels, des codes, des images, des logos ou encore des bases de données. Et la problématique est bien là : toutes vos créations ne disposent pas de la même protection au regard du droit de propriété intellectuelle.
Au moment de la conclusion d’un contrat de prestation de services, puis de la rédaction de la clause de cession, vous devez donc tenir compte de ces spécificités – propres à chaque type de création – afin d’encadrer au mieux vos relations avec vos clients (2).
Un site Internet : vous disposez automatiquement – sans formalités, ni démarches spécifiques – d'un droit d'auteur sur le texte, les contenus et les créations graphiques du site web que vous avez créé, à condition que ceux-ci soient originaux. Vous pouvez ainsi encadrer leur usage par votre client par le biais de la clause de cession. À titre d'exemple, vous pouvez refuser que les créations graphiques ne soient modifiées en ne cédant pas les droits d'adaptation.
Un logo : à condition qu’il soit original et qu’il dispose d’une représentation matérielle, vous disposez d’un droit de propriété intellectuelle, vous permettant de définir les droits que vous cédez à votre client. À la suite de la cession, votre client peut – de son côté – protéger son logo à titre de marque sous certaines conditions. En revanche, si vous avez simplement donné l’idée du futur logo, dont la concrétisation a été réalisée par un tiers, vous ne disposez d’aucun droit.
Un logiciel : vous disposez automatiquement d'un droit d'auteur sur les logiciels créés, bien que celui-ci ne protège que l'écriture du code. En l'absence d'une clause de cession, votre client ne pourra donc pas en avoir l'usage. Il est possible de renforcer cette protection par le dépôt d'un brevet. Il faut néanmoins que le logiciel réponde aux critères de brevetabilité en vigueur et, tout particulièrement, qu’il n’ait été diffusé à quiconque avant le dépôt du brevet.
Une formation : le concept de la formation que vous proposez à votre client ne peut pas être protégé. En revanche, la matérialisation de ce concept ou de cette idée peut l'être par un droit d'auteur, à condition qu’elle soit originale. Cette concrétisation peut notamment se traduire par une création graphique ou par la fabrication d’une œuvre plastique liée à la formation par exemple.
Un slogan : tout comme un logo, une signature de concept publicitaire, une accroche ou un slogan ne peut être protégé que s’il est original et qu’il a été matérialisé (maquette, fichier informatique, etc.). Dans le cas contraire, vous ne disposez d’aucun droit de propriété intellectuelle. À réception, votre client peut faire le choix de protéger cette phrase en tant que marque, à condition qu'elle ne prenne pas la forme d'une simple formule promotionnelle ou publicitaire qui se contenterait de mettre en avant les produits et services qu'elle désigne.
Une base de données : en tant que créateur d'une base de données, vous disposez d'un droit appelé « sui generis », protégeant principalement l'investissement que vous avez consenti. Dans certains cas relativement rares, la base de données peut aussi être couverte par le droit d'auteur, à condition d'être originale.
Sources :
(1) Fiches d'orientation : œuvre de l'esprit - Dalloz - 2020
(2) Comment protéger quoi ? - INPI - 2020