Publié le 28/02/2023
Kaoukab, c’est avant tout une belle histoire de rencontres et de solidarité sociale. Il y a 4 ans, lorsque Ghaees Alshorbajy arrive de Syrie en France en tant que réfugié, il n’a rien. Il ne parle même pas français. Les opportunités professionnelles sont donc rares. Aussi, pour gagner sa vie, il se met à récolter en région parisienne tout ce qu’il trouve dans la rue de ferraille (vélo, frigo, machine à laver, batterie, …) considérés, parce que défaillants, comme des déchets par la plupart des gens. Ces objets sont jetés sur les trottoirs, alors qu’ils peuvent être revendus sur les chantiers de ferrailles. Une chance pour lui, Derichebourg le repère et le recrute à Gennevilliers. Le deal est simple : Ghaees collecte tout ce qu’il trouve de ferraille sur les trottoirs, le chantier Derichebourg les lui rachète à bon prix.
Et c’est en arpentant les trottoirs que Ghaees rencontre des Roms, pour la plupart Roumains, Bulgares. Ferrailleurs aguerris, ces derniers travaillent en moyenne 12 heures par jour et disposent d’un véritable savoir-faire. Un savoir-faire rare, dont les chantiers de ferrailles ont besoin, et qui, cumulé au fait que les particuliers et les professionnels ont souvent la paresse de se rendre à la décharge municipale, a fait naître l’idée Kaoukab. « Ghaees s’est mis en tête de créer une application faisant l'intermédiaire entre les ferrailleurs, les particuliers, et, en aval, les chantiers de ferrailles. Nicolas Eyguesier, journaliste éditeur, s'est intéressé à son histoire et l’a aidé à trouver des programmeurs pour application : ensemble ils ont trouvé des investisseurs et la startup Kaoukab est née au sein de l’incubateur Pulse à Montreuil en 2018. », témoigne Xavier Champenois, un des associés de la startup Kaoukab.
Xavier Champenois a rejoint la structure fin 2021. « J’ai travaillé plus de 30 ans dans l'industrie, je les ai donc aidés à structurer leur projet. Nous avons également accompagné tous les Roms, avec lesquels nous collaborions, dans la formalisation de leur statut d’auto-entrepreneur afin qu’ils puissent enfin déclarer leur activité et leurs revenus. Puis je me suis intéressé aux finances. Avec nos faibles marges, il me semblait évident que nous n’allions pas pouvoir faire perdurer longtemps notre activité. Ajouté à cela, le fait que la population Rom est largement stigmatisée - les acheteurs n’aiment pas beaucoup les recevoir sur leur chantier et souvent profitent de leur situation précaire pour acheter la marchandise à bas prix – nous avons décidé de changer de stratégie. » ajoute Xavier Champenois. « Nous avons installé notre propre chantier, avec l'aide de Suez qui a accepté de nous héberger à Pantin en octobre l'année dernière. Cela a changé radicalement notre manière de travailler : nous avons plus de travail régulier à offrir aux familles Roms, nous leur proposons donc plus de débouchés et, nous-mêmes, nous nous sommes assurés plus de marge pour pouvoir vivre. »
Sur les 14 millions de déchets métalliques produits chaque année en France, seulement la moitié est intégrée à des systèmes de recyclage professionnels. De ce fait, des tonnes de ferrailles et de métaux ne sont pas recyclées correctement. L’application Kaoukab palie ce problème et apporte une véritable solution écologiquement vertueuse. D’ailleurs « Kaoukab » signifie « Planète » en arabe. Vous avez un vieux radiateur qui traîne ? Il vous suffit d’indiquer le volume à récupérer et le lieu d’enlèvement : l’information est immédiatement transmise aux collaborateurs de Kaoukab, qui viennent récupérer vos déchets métalliques dans la journée, les trient (cuivre, zinc, aluminium, laiton, etc.) pour les revendre à des repreneurs partenaires. Facile d’utilisation, Kaoukab c’est gratuit et surtout très efficace. « Il y a un minimum de 40 kilos pour que ce service s’active auprès des particuliers : souvent nous avons à faire à des seniors qui ne peuvent pas descendre ou monter de la cave un vieux four, un frigo. Notre clientèle est essentiellement constituée d’artisans, de commerçants, d’écoles : nous récupérons des casiers, de vieilles chaises avec des armatures en fer, métaux de la tuyauterie, des câbles informatiques, des robinets. Nous aimerions travailler avec des campus, car il y a énormément de déchets de ferraille là-dedans et avec davantage de particuliers. Mais pour l’instant nous manquons de visibilité, nous ne sommes pas encore assez connus. »
(Quatrième à droite : Benoît Hamon, directeur général de l'ONG SINGA Global. A sa droite : Ghaees Alshorbajy, co-fondateur de Kaoukab)
À ce jour, la collecte des déchets métalliques est assurée par une population marginalisée et « invisibilisée ». Kaoukab leur offre une opportunité de poursuivre leur activité dans un cadre légal et avec les conditions de sécurité adéquates. « Nous valorisons leur travail et leur savoir-faire. Il y a peu, nous avons récupéré une épave d'un chariot élévateur. Ce genre de ferraille assemblée se vend jusque 300 € sur le marché. Il n’a fallu que quelques heures pour qu’un de nos collecteurs le désosse, sépare les différents métaux – batterie, câblages électriques, moteur, etc. – et valorise l’ensemble à 800 euros. De notre expérience, il n'y a que ces personnes qui savent faire ça : nous pensons qu'elles ont parfaitement leur place dans l'économie du recyclage et du réemploi, elles ont un vrai rôle à jouer si l'on accepte de travailler avec elles. », affirme Xavier Champennois. « Notre ambition à court terme est d’ouvrir de nouveaux chantiers de ferraille en région parisienne et de collaborer avec les collecteurs de ferraille, les communautés Roms, voisines. Le prochain sera certainement dans le sud de Paris. A Pantin nous faisons travailler à présent une vingtaine de familles : une dizaine de façon très régulière. »
Kaoukab sensibilise ses collaborateurs à l’usage d’équipements de protections individuels (masques, chaussures de sécurité), pour qu’ils travaillent dans des conditions optimales de sécurité. « Les normes à respecter sur un chantier de ferraille sont très compliquées d'un point de vue assurantiel. En ce sens Generali nous a beaucoup aidé, le groupe nous a également épaulé sur certains points opérationnels et nous a ouvert des pistes vers de nouveaux clients. », témoigne Xavier Champennois.
Par ailleurs, Ghaees Alshorbajy a suivi un accompagnement vers l’entrepreneuriat de plusieurs mois au sein de l’incubateur de Singa dont The Human Safety Net est partenaire. La fondation de Generali, accompagne les personnes réfugiées qui souhaitent créer leur entreprise ou association en France. L’objectif ? Favoriser leur insertion professionnelle dans leur pays d’accueil afin qu’ils puissent se reconstruire une vie et un avenir.
« Ghaees et Xavier sont deux entrepreneurs hors normes » souligne Marie-Christine Lanne, Directrice des engagements de Generali France mais aussi mentor de Ghaees. « Nous avons fait la connaissance de Ghaees lors d’une sorte de start up meeting rassemblant, autour des membres de direction de notre Compagnie, une vingtaine d’entrepreneurs réfugiés hébergés au sein de nos incubateurs de région parisienne animés par Singa et La Ruche. Ce qui nous a plu chez Ghaees c’est sa formidable énergie, sa volonté de faire bouger les lignes et de participer à l’économie circulaire. Son modèle repose à la fois sur la durabilité environnementale et sociale. Et c’est pour cela que nous avons mobilisé plusieurs compétences en interne pour accompagner son développement. Ainsi, Gérald Yven de la Direction de l’environnement du travail, ouvre à Kaoukab l’accès à certains de nos fournisseurs et incite ces derniers à référencer la startup. Autre contribution de taille : celle de l’agent général Generali de Charenton, Janko Petrovic, qui est aussi parrain de l’incubateur THSN de Montreuil. Il a permis à Kaoukab d’avoir une assurance professionnelle compatible avec les exigences de Suez afin de pouvoir ouvrir sa recyclerie sur le site d’Aubervilliers. La direction de l’indemnisation de Generali France qui traite de nombreux sinistres sur des habitations ou des immeubles réfléchit aujourd’hui également à utiliser les services de Kaoukab pour recycler des métaux sur les sites sinistrés. De quoi doper les perspectives de la start-up ! »
(A gauche, Ghaees Alshorbajy, co-fondateur de Kaoukab et, à droite, Janko Petrovic, agent général Generali et parrain de l’incubateur THSN de Montreuil.)
En conclusion : il existe un déchet recyclable presque à l’infini, dont la filière est déjà en place, et qui ne coûte rien à personne, mais qui est au contraire une source de revenu : le déchet métallique.
Nous avons donc tous à gagner à encourager sa collecte !
Pour tester les services de Kaoukab, c’est par ici