BTP : la terre, ce matériau ancestral d’avenir

En quoi consiste exactement le concept Cycle Terre ? 

Teddy Dusausaye : Le projet Cycle Terre consiste à utiliser la terre de déblais non polluées comme nouveau matériau de construction. Une alternative durable aux matériaux traditionnels dont la production est considérablement énergivore (ciment, métaux, terre cuite, polymère). Ces terres naturelles et inertes sélectionnées et analysées, proviennent pour l’instant des terrassements et déblais de chantiers de proximité à Sevran, où est installé notre fabrique. Cette terre, dite crue, est  transformée en blocs de terre comprimés, mortier, enduits et panneaux de terre : elle permet ensuite de concevoir des cloisons, des parements extérieurs, intérieurs, ainsi que des supports d’isolant de façade. 

Cycle Terre propose en somme une revalorisation de la terre crue, injustement assimilée à du déchet, en véritable ressource. Il devient plus que jamais nécessaire d’en finir avec la chaîne « prendre, produire, consommer, jeter », pour en créer une nouvelle de plus de valeur « récupérer, trier, valoriser, réutiliser ». Et ce qui est bien avec la terre crue c’est qu’elle est recyclable à l’infini, écologique, présente d’excellentes qualités d’inertie thermique et s’avère un bon régulateur hydrique. 

Vous avez remporté le prix EnterPrize dans la catégorie Environnement. Il semble cependant que Cycle Terre réponde également à des enjeux politiques et sociaux ?

T.D. : Le secteur de la construction est le premier consommateur d’énergie (44 %) au monde. Chaque année, il émet plus de 123 millions de tonnes de C02, ce qui en fait l’un des domaines clés dans la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique. Cycle Terre a ici un véritable rôle à jouer. Sa solution permet, dans une certaine mesure, d’enrayer la raréfaction des ressources (fossiles, sable) en empruntant la voie de l’économie circulaire ; elle réduit également la quantité d’énergie nécessaire au cycle de vie d’un produit (conception, extraction, transport des matières premières, transformation des matières, fabrication du produit, commercialisation, usage et mise en œuvre, etc.) grâce à un process de proximité mobilisant peu de ressources énergétiques. En outre, Cycle Terre favorise le développement du tissu économique et social local en associant la formation professionnelle à l’aménagement. En effet, avec Sevran, nous fonctionnons un peu en cercle vertueux : la ville de Sevran, à ce jour, nous héberge sur son territoire et reste très active au développement de la filière Terre Crue. De notre côté, nous recrutons les opérateurs de la Fabrique Cycle Terre parmi les habitants de la ville et issus de l'insertion sociale.

Plus qu’un retour aux sources (la construction en terre existe depuis 11000 ans), Cycle Terre semble vouloir porter des valeurs fortes ?

T.D. : Cycle Terre réunit autour de son projet des acteurs, femmes et hommes, de différents horizons, en vue de construire une ville plus résiliente dans son fonctionnement et un monde plus durable. Nous sommes une Société Coopérative d'intérêt Collectif (SCIC). Avec ce statut, Cycle Terre répond aux valeurs coopératives fondamentales tels qu’elles sont définies par l’Alliance Coopérative Internationale avec notamment :
-    la démocratie ;
-    la solidarité ;
-    un sociétariat multiple ayant pour finalité l’intérêt collectif au-delà de l’intérêt personnel de ses membres ;
-    l’intégration sociale, économique et culturelle, dans un territoire déterminé par l’objet social.

L’intérêt de ce projet démonstrateur tient particulièrement dans l’échelle du projet et l’association des principaux acteurs de la terre et de la construction, pour tendre vers la constitution d’une véritable filière économique dans une logique d’économie circulaire. Démonstrateur car la Fabrique de Sevran n’est qu’une première étape : notre ambition dans un futur proche, est d’en créer une trentaine dans toute la France.
 

Piloté par la ville de Sevran, Cycle Terre s’est bâti dans le cadre d’un consortium composé également de Grand Paris Aménagement, la Société du Grand Paris, Antea Group, l’Université Gustave Eiffel, l’association CRAterre, amàco, l’ENSAG, Quartus, Joly et Loiret Architectes, Sciences Po, Compétences emploi et le groupe ECT.

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