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Assurance vie : en quoi consiste la clause bénéficiaire démembrée ?

Le démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie permet de réaliser une double transmission, le plus souvent au profit du conjoint et des enfants. Explications. 

Le démembrement, qu’est-ce que c’est ? 

Le démembrement de propriété correspond à la répartition des prérogatives composant le droit de propriété entre plusieurs personnes : le nu-propriétaire, ayant le droit de disposer du bien, et l’usufruitier, ayant le droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les fruits (revenus).

Par exemple, en cas de démembrement d’un bien immobilier, l’usufruitier peut habiter le bien et/ou le louer et en percevoir les loyers, mais il ne peut pas vendre le bien. Le plus souvent, le démembrement est viager, c’est-à-dire qu’il prend fin au décès de l’usufruitier. Mais le démembrement peut aussi avoir une durée déterminée.

Si le démembrement est chose courante dans l’immobilier, il est moins connu dans le cadre de l’assurance vie.

Et pourtant, le principe reste identique :

  • l’usufruitier reçoit, pour une durée viagère ou fixe, le droit d’utiliser le capital et d'en percevoir les fruits. Dans le cas d’un capital, un bien « consommable » et non matériel, on parle de quasi-usufruit. Concrètement, l’usufruitier reçoit l’intégralité du capital et peut l’utiliser comme il le souhaite. Il peut le dépenser en tout ou partie, réaliser des investissements, etc. Il est toutefois soumis à une obligation : restituer au nu-propriétaire, au terme du démembrement, un montant en principe équivalent à celui qui lui a été versé ;
  • le nu-propriétaire est, en conséquence, titulaire d’une créance de restitution correspondant en principe au montant versé à l’usufruitier. Il peut faire valoir cette créance sur le patrimoine de l’usufruitier (durée déterminée) ou sur l’actif de sa succession (viager).

Démembrement de clause bénéficiaire et assurance vie

Le démembrement peut être appliqué à la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie. Il est ainsi possible de prévoir la transmission d’un capital à plusieurs personnes. Le plus souvent, le souscripteur de l’assurance vie désigne son conjoint comme bénéficiaire de l’usufruit, et leurs enfants comme bénéficiaires de la nue-propriété.

Quel est l'intérêt d'un démembrement de clause bénéficiaire ?

Avec une telle clause bénéficiaire, vous pouvez prévoir à la fois :

  •  le versement du capital décès à votre conjoint qui pourra en disposer librement dans les limites des articles 601 et 602 du Code Civil, à charge pour lui de restituer en fin d'usufruit (c’est-à-dire à son décès lorsque l'usufruit est viager) un capital équivalent au nu propriétaire désigné ;
  • le bénéfice pour vos enfants d’une créance de restitution à faire valoir sur la succession de l’usufruitier.

Bon à savoir. Dans la mesure où le règlement du contrat se fait en argent , le démembrement de la clause bénéficiaire confère au bénéficiaire un quasi usufruit sur les sommes versées.

La fiscalité de la transmission démembrée du capital décès

En principe, en cas de décès de l’assuré, la compagnie d’assurance verse au(x) bénéficiaire(s) du contrat la valeur du contrat (ou une rente selon les termes du contrat). Le régime fiscal des sommes versées au(x) bénéficiaire(s) est le suivant :

1.      Conformément aux articles 990 I et 757 B du CGI, en fonction des primes versées avant les 70 ans de l’assuré (et non du souscripteur si celui-ci est une personne différente de l’assuré) et des plus-values correspondantes, la part de chaque bénéficiaire, tous contrats confondus, fait l’objet :

  • d’un abattement de 152 500 € ;
  • d’un prélèvement, opéré par l’assureur, au taux de 20 % jusqu’à 700 000 € et de 31,25 % pour la fraction excédentaire.

En situation de démembrement, la fiscalité précitée est répartie proportionnellement aux droits de l’usufruitier et du nu-propriétaire en appliquant le barème de l’article 669 du Code général des impôts (voir tableau ci-dessous). L’abattement de 152 500 € s’applique par couple usufruitier/nu-propriétaire et est réparti dans les même proportions.
Par exemple, si l’usufruitier a 65 ans, l’usufruit sera évalué à 40 % du capital et la nue-propriété à
60 %. 40 % de l’abattement de 152.500 € bénéficieront à l’usufruitier et 60 % au nu-propriétaire.

2.     Si des primes ont été versées après les 70 ans de l'assuré, les droits de succession sont dus uniquement sur le montant brut des primes versées au-delà de 70 ans mais uniquement pour la fraction des primes qui excède 30 500 €. Cet abattement est global pour un même assuré tous contrats et bénéficiaires confondus.

Dans le cadre d'une clause bénéficiaire démembrée, la fiscalité est répartie proportionnellement aux droits de l’usufruitier et du nu-propriétaire en appliquant le barème de l’article 669 du Code général des impôts (voir tableau ci-dessous).

L'usufruitier et le nu propriétaire étant tous deux imposables aux droits de succession, l'abattement de 30 500 € doit être réparti entre eux au prorata de la part leur revenant dans les primes taxables.

À noter : si l'usufruitier est exonéré, le nu propriétaire bénéficie de l'intégralité de l'abattement de 30 500 €.

 

Barème de répartition de la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété

(Article 669 du CGI) :

Âge de
l’usufruitier

Valeur de
l’usufruit

Valeur de
la nue-propriété

Moins de 21 ans

90 %

10 %

21 à 30 ans

80 %

20 %

31 à 40 ans

70 %

30 %

41 à 50 ans

60 %

40 %

51 à 60 ans

50 %

50 %

61 à 70 ans

40 %

60 %

71 à 80 ans

30 %

70 %

81 à 90 ans

20 %

80 %

Plus de 90 ans

10 %

90 %

Bon à savoir. Lorsque le bénéficiaire en usufruit est le conjoint ou le partenaire de PACS, et, sous conditions, les frères et sœurs à charge de l’assuré, le prélèvement de l'article 990 I du CGI et/ou les droits de succession ne sont dus que sur la valorisation fiscale de la nue-propriété.

Un exemple concret de clause bénéficiaire démembrée

Monsieur Dupont a souscrit un contrat d’assurance vie sur lequel il a versé des primes avant son 70e anniversaire. La valeur de son contrat (primes et produits) s’élève à 500 000 €. Sa clause bénéficiaire est démembrée entre son épouse (quasi-usufruitière) et ses 2 enfants (nus-propriétaires).
A son décès, son épouse est âgée de 75 ans. Selon le barème fixant la valeur de l’usufruit, celui-ci représente 30 % de la valeur du capital et la nue-propriété représente les 70 % restant.

En sa qualité de conjoint, Madame Dupont est totalement exonérée du prélèvement prévu à l’article 990-I du CGI. En sa qualité de quasi-usufruitière, elle jouira des sommes figurant au contrat. Au décès de leur mère, les enfants pourront faire valoir à la succession, une créance correspondant aux sommes qui lui avaient été versées au titre du contrat d’assurance vie.

Fiscalement, chacun des 2 enfants a des droits en nue-propriété (70 % compte tenu de l’âge de l’usufruitière) sur la moitié du capital décès, soit : 175 000 euros.

L’abattement s’appliquant par couple usufruitier / nu-propriétaire, chaque enfant a droit d’utiliser 70 % de l’abattement de 152 500 euros, soit 106 750 euros. Après déduction de cette quote-part d’abattement (175 000 – 106 750 = 68 250 euros) le prélèvement de 20 % est appliqué. Chaque nu-propriétaire est redevable de 13 650 euros de prélèvement.

Un mode de transmission adapté à notre mode de vie

La clause bénéficiaire démembrée permet au souscripteur/adhérent :

  • de protéger son conjoint (l’usufruitier qui pourra, du fait de son quasi-usufruit, utiliser l’argent comme bon lui souhaite) tout en anticipant la transmission à ses enfants (nus-propriétaires) ;
     
  • de constituer un passif de succession au décès de l’usufruitier venant diminuer l’assiette taxable aux droits de succession.

Si elle s’adapte ainsi aux problématiques actuelles de transmissions intergénérationnelles, la rédaction de la clause peut s’avérer complexe : faites-vous conseiller par un professionnel !

Deux points à anticiper

  • L’établissement d’une convention de quasi usufruit à enregistrer au moment du versement des capitaux décès à l’usufruitier.

Cette convention de quasi-usufruit (notariée ou sous signature privée) est indispensable à plus d’un titre puisqu’elle permet de :

o   reconnaître l’existence du quasi-usufruit et définir les pouvoirs de l’usufruitier (ou sa marge de manœuvre) ;

o   confirmer l’existence de la créance de restitution et son montant , ainsi que les modalités de restitution de la créance au nu-propriétaire ;

o   éviter la double imposition des nus-propriétaires au décès de l’usufruitier : la créance de restitution gardée ainsi en mémoire pourra être prélevée sur la succession au profit du nu propriétaire sans droit supplémentaire à payer ;

o   écarter la présomption de fictivité des dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers, les enfants nus-propriétaires ayant la double qualité d’héritier et de créancier du défunt. La créance de restitution pourra être reportée en tant que dette dans l’inventaire de la déclaration de succession si elle est constatée dans une donation notariée ou dans une convention de quasi-usufruit ayant date certaine, c‘est-à-dire enregistrée auprès des services des impôts avant le décès (article 773 2° du code général des impôts).

  • Le risque de dilapidation des fonds par l’usufruitier existe toujours.

La majorité des clauses bénéficiaires démembrées prévoient que l'usufruitier est expressément dispensé de fournir caution ou d'employer les fonds. Le nu propriétaire ne pourra pas lui imposer le placement des sommes dans l'usufruit. Ceci répond à un objectif de protection du conjoint survivant.

Mais le fait pour l’usufruitier de disposer des fonds peut présenter un risque pour le nu-propriétaire. Si l’usufruitier dilapide son patrimoine, le nu-propriétaire peut ne pas récupérer sa créance, par défaut ou insuffisance d‘actifs dans la succession de l’usufruitier.

D’autres moyens de protection peuvent toutefois être prévus dans la clause bénéficiaire, comme une obligation d’emploi/remploi des sommes : le souscripteur/adhérent du contrat peut imposer à l’usufruitier de réinvestir le capital en démembrement. Dans ce cas, la propriété du bien est démembrée. l’usufruitier (et non plus quasi-usufruitier) ne touche que les fruits des placements, par exemple les loyers si le capital est investi dans l’immobilier locatif…  Une telle obligation d’emploi, incluse dans la clause bénéficiaire, constitue néanmoins une charge que l’assureur n’est pas tenu et n’est pas en mesure de faire respecter. Pour assurer le souscripteur/adhérent de son respect, il conviendra de l’inviter à déposer sa clause chez son notaire et à en faire part à l’assureur.

De manière générale, le démembrement de la clause bénéficiaire n'est pas recommandée lorsque l'entente familiale n'est pas bonne. 
 

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